Ode aux bistrots!

A l’époque de la crise du Covid 19, les bistrots, entre autre lieux étaient fermés… J’en ai profité pour écrire cet hymne autobiographique! Santé!

J’aime les bars. J’ai toujours aimé les bistrots. J’ai pas mal déménagé dans ma vie, et à chaque fois que je suis arrivé dans une nouvelle ville, j’ai fait deux choses: arpenté les rues en long et en large (oui, parce que l’autre truc que j’aime, c’est marcher) et cherché (et trouvé) « mon » bar…

Peut-être que ça vient de papa cuvellier, lui, un mousseux bien crémeux sur le bar, en haut, et moi, un diabolo menthe qui pique sur le petit rebord du milieu…

A 9 ans, j’allais chercher Riboul, mon chien aussi sympa qu’un copain, mais en chien, dans un bistrot de Recouvrance, quartier de Brest, l’empêchant de manger tous les sucres que lui donnaient les pochetrons du coin (et ils étaient nombreux), et accessoirement tirant mon père par la manche…

Plus tard, je suis rentré tout seul comme un grand, à 18 ans à peine révolus, au bar de la Fontaine, à Bourgoin-Jallieu. Le patron était une gloire locale, participant aux JO de Séoul, à la carabine… C’est là que j’ai commencé à refaire le monde qui n’attendait que moi, pour le refaire, le monde… j’en sortais, moins droit qu’en entrant, la tête pleine de mes copains et copines, du patron et de la patronne, et de tous ces visages familiers et inconnus, qui ne sont autant familiers et autant inconnus, que dans un bar…

Après, ben, après, j’ai continué. La bar adoré, ça a été « la rep » avec Jeannot et Marie-Claude. Jeannot, des soirs, bien bourré il mangeait des verres. Non, non, j’ai pas dit, il buvait, j’ai bien dit il mangeait. J’allais pas au lycée, j’avais déjà arrêté, et pour choper un peu la vie des gens (et accessoirement des filles) de mon âge, je trainais mes guêtres au bar du lycée.

J’étais copain avec tout le monde, les vieux, les jeunes, les filles, les gars, les accros du flipper, les intellos, les gros bourrins, les pochtrons, les rugbymen, et même les footballeurs, c’est dire…

Après, j’ai bossé dans la presse, et fréquenter les bars, c’était presque professionnel. Mais là, ça allait pas. C’était trop. C’était les bars pas bien, les bars pas gais.

Je suis parti à Lyon, j’ai pas trouvé de bar à moi. Ils étaient déjà pris par de plus déglingos et de plus branchés que moi.

Je suis parti à Rennes, capitale mondiale du bistroquet. Là, j’ai vite trouvé: le bateau ivre, avec Fabrice, la trinquette avec patrice, le bigorneau, où j’ai été jusqu’à écrire un poème sur un mur (« Mon bigorneau est un bistrot, j’y retournerais pas de sitôt ») et d’autres… A Rennes, c’était du lourd: les gars étaient entrainés, les filles aussi, d’ailleurs. Après la fermeture, le patron tirait le rideau, on donnait un coup de main, et on dansait. Le ménage fait, on sortait, petite vague de picolos joyeux, on retrouvait dans les rues d’autres copains qui sortaient d’autres bars, et on rejoignait un bar de nuit, formant une grande vague de picolos joyeux.

Mais dans la vie, on ne peut pas faire que boire. Alors, pour des raisons d’auto-salubrité publique, j’ai déménagé à Nantes.

A Nantes, on buvait raisonnable. Les bars étaient tristes comme la jupe de ma grand-mère. C’est sur, dans cette ville, j’allais être sobre. Mais quand même, merde! moins picoler, je voulais bien, mais pas avoir mon petit bistrot, mes petits cafés, ma pression de 6 heures, pas question.

Un jour, je cherchais un endroit pour regarder le tour de France (ah punaise, le tour de France, ça aussi, je pourrais en parler pendant des heures), je tombe dans une toute petite rue sur un tout petit bar… « la perle ». une sorte de chef d’œuvre du bar. Chaque client mériterait un livre.

Un soir que j’étais cafard, j’ai appelé mon père. Il m’a donné un des seuls conseils qu’il m’ait jamais donné. « Détends toi, vas boire un coup, va rigoler, bois un coup ». Il faut toujours écouter son père.

Mon fils est né. Le soir, je suis sorti, à l’ancienne, fêter ça. Au bobard, de Denis.

Pour des raisons obscures, je me retrouvais à Besançon. Et j’avais beau tourner en rond dans la boucle, rien, nada, pas de bars. Oh, il y en avait bien, des cafés, des brasseries, des bistrots, mais aucun où je me sentais chez moi…

parce que c’est ça, que j’aime dans les bistrots: me sentir chez moi sans être chez moi. Discuter avec des gens mais pouvoir partir quand je veux. Boire ou ne pas boire.

J’ai quitté Besançon le cœur lourd, et je suis arrivé à Bruxelles. Je suis retourné devant le petit café espanol, où j’allais l’année où j’avais vécu à Bruxelles. mais non, pas possible d’y retourner: un bar, ça peut aussi être glauque. Un bar, ça peut aussi être une pochtronne qui crache dans son verre avant d’aller aux toilettes, pour que personne ne boive dedans.

Je suis arrivé à Bruxelles, donc, au 335 chaussée d’ixelles, près de flagey. Je m’étais trompé d’adresse, à la poste. J’avais écrit 355. J’avais sans doute du courrier perdu. Alors, j’ai été au 355, le jour de mon arrivée. Y avait pas de courrier perdu. Y avait « le pantin » Un bar. J’en fait mon QG…

Et puis, y a eu tous les autres… l’oregua, le bar portugais du café du matin, avec mes copains, younés, daniel, et les autres, rendez vous avant d’aller boxer… et le mot passant, de mon copain Alain, à bourgoin jallieu… et tous ceux où je n’ai bu qu’un café, où je n’ai bu qu’une bière, et tous ceux que j’ai détesté, trop branchés, trop mal famés, trop glauques, trop bourges, où je n’ai fais que m’arrêter… et « la clef d’or », café chéri des marolles où je mange une soupe le sac à dos plein de machins chinés…

Bon Dieu, que j’aime les bistrots.

Et Bon Dieu, que c’est triste, une ville sans bistrots!